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08/01/2012

Circus Incognitus.

de Jamie Adkins au Théâtre de la Cité internationale jusqu'au 29 janvier. 

D'une légerté délicieuse, le clown Jamie Adkins nous offre une heure de magie et de rires espiègles d'enfants.

Si le spectacle est dans la lignée de ce qu'on appelle "le cirque contemporain", on retrouve les artéfacts du clown : la mallette en fer, les mimiques emprûntées au bugs bunny de notre enfance, les bretelles et le chapeau rond du clown des cirques d'antan.

L'histoire est celle d'un personnage qui aimerait faire un discours mais il n'arrive jamais à prendre la parole, car la peur le conduit à des situations absurdes et à des pitreries rocambolesques. 

Le clown se détourne donc toujours de ce qu'il veut nous dire et laisse finalement la parole à ce corps souple et ingénueux qui entre véritablement en interaction avec un public hilare. 

Ces numéros successifs d'acrobate, de jongleur et d'équilibriste sont d'une grande technique et finesse. Ici, pas besoin d'artéfact technologique : la simplicité sert un spectacle d'une rare poésie. De quoi vous donner le sourire un jour de janvier un peu gris... 

M.G.

13:08 Écrit par Mathilde Gautier dans Spectacles | Commentaires (0) | Tags : mathilde gautier, spectacle |  Facebook | |  Imprimer | |

23/12/2011

"Van Gogh ou le suicidé de la société" - Antonin Artaud.

Il y a quelques années, à la Maison de la Poésie, Van Gogh où le suicidé de la société d'Antonin Artaud fut mis en scène. Je me souviens que ce spectacle m'avait touchée car je découvrais alors un texte d'Antonin Artaud d'une grande détresse. J'avais alors écrit une chronique sur le spectacle que je livre seulement maintenant sans qu'elle n'ait pourtant perdu de son actualité littéraire et artistique. 

Auteur du célèbre essai Le Théâtre et son Double, Antonin Artaud écrit à la fin de sa vie un essai sur l’artiste-peintre Van Gogh et son suicide, suicide qui a été, selon lui, provoqué par la société castratrice dans laquelle l’artiste se sentait vivre.

La genèse de Van Gogh le suicidé de la société, c’est la révolte d’Antonin Artaud à la lecture d’un article du docteur Berr croyant pouvoir diagnostiquer chez le peintre une schizophrénie du « type dégénéré ». Antonin Artaud alla voir l’exposition Van Gogh à l’Orangerie et revint écrire le premier jet de Van Gogh le suicidé de la société dont les premiers mots sont « On peut parler de la bonne santé mentale de Van Gogh » … et plus loin « Non, Van Gogh n’était pas fou ».

En réalité, Van Gogh est Artaud et Artaud est Van Gogh. A travers le récit de la folie de Van Gogh, c’est sa propre histoire qu’il relate. En 1937, Artaud est interné d’office en asile psychiatrique à Rodez. Le voici coupé pendant 9 ans du monde. Lorsqu’il sera rendu à la liberté, en 1946, Artaud hurlera, dans des textes où chaque mot n’est plus qu’un bruit, un cri, sa détresse et sa rage : rage contre Dieu, contre le sexe, contre son corps rongé par le cancer, contre la société qu'il dit l'avoir suicidé comme elle avait déjà suicidé Van Gogh. Les deux hommes étaient malades et peut-être fous, mais dotés d’un génie qui dérangeait, selon Artaud, les conventions dictées par la société. 

C’est ainsi que, pendant 1h20, on assiste à une performance incroyable de l’acteur Rémi Duhart qui a réussi à donner vie à ces deux personnages et, qui a réussi à traduire simplement une écriture d’approche difficile. A travers la parole de l’acteur c’est celle d’Artaud qui prend vie. Rémi Duhart ne joue pas Artaud, il est Artaud. Il est ce personnage fou et intelligent, attachant par sa détresse qui évoque et décrit les paysages peints de Van Gogh et, à travers ses couleurs, son histoire. La mise en scène de Claude Confortès est très juste : une table à laquelle Artaud écrit son texte en même temps qu’il nous le raconte, des notes de percussions qui font raisonner sa parole et des reproductions de Van Gogh posées sur des chevalets qui donnent vie à l’artiste suicidé. Un portrait de Van Gogh et un autre d’Artaud met en parallèle les deux vies, comme deux miroirs…

Mathilde Gautier, mai 2004.


Antonin Artaud par MELMOTH

11:34 Écrit par Mathilde Gautier dans Livres à lire | Commentaires (0) | Tags : artaud, van gogh, mathilde gautier |  Facebook | |  Imprimer | |

16/12/2011

Cendrillon à Paris.

Décembre 2011. Paris. Cendrillon est à l'honneur dans la capitale. Le conte de Charles Perault est revisité par deux spectacles exceptionnels : l'un mise en scène au Théâtre de l'Odéon par Joël Pommerat, l'autre chorégraphié par le défunt Rudolph Noureev à l'Opéra Bastille (livret de Sergueï Prokofiev).

L'un est du théâtre, l'autre un ballet. L'un s'attache au chemin initiatique de l'enfant vers l'âge adulte, l'autre décrit la magie d'une époque où le cinéma hollywoodien créait la magie. Dans les deux cas, le spectacle vaut le détour. 

Si vous ne les avez pas vus, rassurez-vous, Cendrillon de Joël Pommerat sera en tournée en 2012 en France et en Belgique. Et Cendrillon de Noureev est un classique que l'Opéra de Paris saura remettre au goût du jour... 

Cendrillon de Noureev/Sergueï Prokofiev.

Le ballet de Noureev est connu depuis sa création pour l'Opéra Bastille en 1986. Léger, drôle et fait de paillettes, il revisite les codes de la danse classique avec des mouvements très cassés, de la couleur et l'apparition de danseurs transexuels. Traité sur le mode de la comédie musicale, il présente une Cendrillon qui rêve d'être une star de cinéma au bras de son prince. Quant au prince, il cherche chaussure à son pied, au sens littéral du terme, puisqu'il fait la tournée des cabarets : après avoir séduit celle qu'il pense être Cendrillon, il lui fait essayer sa chaussure sans qu'elle puisse entrer dedans et la rejette par conséquent, en quête d'une nouvelle Cendrillon qui aura la pointure parfaite.

Le conte a cela de cruel qu'il laisse croire aux petites filles qu'en embrassant un crapaud, il deviendra prince. En réalité, il faut croire que les princes n'existent pas (sauf au cinéma) mais que les crapauds, eux, existent bel et bien ! 

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Cendrillon de Joël Pommerat.

Joël Pommerat nous offre un nouveau spectacle tout à fait réussi dans lequel on retrouve tous ses subterfuges, jeux de lumière et noirceur qui provoquent cette ambiance froide et raffinée qui lui est propre. Les spectacles de Joël Pommerat sont toujours à la limite du pire de ce dont est capable l'Humanité. Toujours drôles, toujours cyniques, ses spectacles s'attachent d'habitude à peindre un tableau redoutable du monde du travail et aux souffrances absurdes des individus incapables de vivre respectueusement entre eux. 

Ici, il nous offre un spectacle sur le parcours initatique d'une jeune fille qui a perdu sa mère trop jeune et qui croit qu'il faut toujours penser à elle pour continuer à la faire vivre. Plutôt que de vivre sa propre vie, elle se réfugie dans une pensée obsédante dont elle pense qu'elle la sauvera de son chagrin, d'un deuil qui n'a pas été fait, d'un père maladroit qui ne sait pas l'aimer et de la peur de grandir. Débordée par son imagination, elle s'invente un monde pour échapper à une réalité trop violente. Elle grandit pourtant dans une famille recomposée, avec une belle-mère totalement autocentrée, tyrannique pour ne pas dire histrionique, et des soeurs bêtes et insipides. Tous ces personnages sont d'une vérité déconcertante. Joël Pommerat réussi là encore à décrire des comportements humains avec cette franchise décalée qui caractérise si bien son travail.

Sandra, dénommée tout d'abord Cendrier par ses méchantes soeurs à cause de l'odeur des cigarettes que son père fume toute la journée, deviendra accidentellement Cendrillon pour son prince. Ce prince qui n'a jamais autrement vécu que reclu par peur d'affronter le monde et la vérité de la mort de sa mère. Ces deux jeunes adolescents se retrouvent soudainement face à face, face à un désir déconcertant de jeunes enfants qui découvrent un désir d'adulte dans le regard de l'autre. Ce désir passe aussi par un deuil commun, le deuil de leur mère et le deuil de leur enfance. L'un et l'autre, ensemble, parviendront à accepter leur vérité : celle de la mort, de l'acceptation de la perte et de la découverte de l'autre. Un beau spectacle vers la lumière. 

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® Cici Olsson

Mathilde Gautier