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04/11/2011

Le luxe et le commerce des musées.

Mathilde Gautier.


Selon le philosophe Yves Michaud, « il y a plus que jamais une dynamique du musée, mais on ne sait si c’est celle d’un parc d’attraction, d’une réserve indienne ou d’un magasin de luxe. Il n’est pas du tout à exclure que ce doivent être les trois à la fois » (Michaud, 1999). En effet, parallèlement aux produits dérivés fabriqués à la chaîne, reflet d’une certaine culture de masse, d’autres produits tendent plus vers le luxe que vers le parc d’attraction. Ainsi, si les théoriciens font un lien entre parc d’attraction et musée, nous proposons d’en faire un entre le musée et le luxe : la vente de certains produits dérivés fabriqués sous licence avec des marques de luxe telle que Lalique (les boucles d’oreille de Marie-Antoinette par la RMN) ou encore les foulards Hermès sont le signe de l’introduction du luxe dans l’univers du musée. De même Flammarion est une des maisons membres du comité Colbert. Ces interférences entre la librairie-boutique et les marques de luxe sont de plus en plus courantes au sein du musée. C’est d’ailleurs le cas de l’exposition de Takashi Murakami organisée au Museum of Contemporary Art de Los Angeles en octobre 2007 qui met en scène sur le parcours  des produits de Louis Vuitton que l’on peut ensuite acheter : « Aside from showcasing a complete retrospective of Mukarami’s anime-inspired graphic-art, the exhibition include items from his past collaboration with Louis Vuitton – and a 1 000 square-foot Vuitton mini-boutique ont the museum’s floor. The unprecendented retail space will offer an exclusive line of bags and accessories created for the show (none of the profits from its sales will go to the museum) » (Hagwood, 2007).

Les librairies-boutiques de musée sont aussi proches de l’industrie du luxe, du fait même que certains acteurs recherchent la qualité, la rareté et la marque d’authenticité du produit acheté dans le musée. De plus, « le luxe est un refus du "tout économique" » (Roux, 2003 : 19), tout comme peut l’être le secteur culturel. Une autre analogie possible entre les produits de luxe et le produit vendu dans le musée est leur dimension symbolique ainsi que leurs bénéfices dits « expérientiels », « c'est-à-dire qui impliquent chez le client une recherche d’expériences et d’émotions fortes,  exceptionnelles » (Roux, 2003 : 159).

La voie du luxe a été initiée par la Tate à Londres qui s’inscrit, elle aussi, dans cette logique de « branding », autrement dit d’exploitation de la marque, à l’instar de l’américain Guggenheim, mais dans un cadre national. Cette notion de marque est finalement le cœur même du débat, puisque les musées doivent rivaliser avec le nombre croissant d’activités de loisirs afin de conserver leurs publics : « Comment peuvent-ils se positionner pour attirer les consommateurs de loisirs tout en se distinguant des parcs à thèmes, des galeries de jeux et des autres formes de divertissement ? La marque est un moyen d’y parvenir » (Scott, 2000 : 37). En effet, dans une société qui repose sur la consommation, la promotion d’une marque qui, de surcroît, est apparentée à celle du luxe, est une garantie pour la diffusion de l’image du musée et amplifie son pouvoir d’attraction.

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Marie-Antoinette de Hasbourg-Lorraine, reine de France et ses enfants peint en 1787 par Louise-Elisabeth Vigée-Le-Brun.

Boucles d'oreilles RMN et Lalique © RMN

30/10/2011

1997 : regards sur l'huile.

Etude du regard, peinture à l'huile.

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IMG_3634.jpgRecherche de la matière. La peinture à l'huile permet un travail de la matière agréable grâce notamment au "couteau". 

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Cette pratique m'a éduquée l'oeil et m'a permis d'apprécier d'autant plus les oeuvres peintes à l'huile.

Je n'imaginais d'ailleurs pas que cette première pratique de la matière me conduirait à un véritable coup de foudre pour l'oeuvre de Gerhard Richter.

14:55 Écrit par Mathilde Gautier dans Expos et dessins | Commentaires (0) | Tags : mathilde gautier |  Facebook | |  Imprimer | |

23/10/2011

Vanité au cadran solaire.

Vanite-au-Cadran-Solaire-320.jpgVanité au cadran solaire, 1630, huile sur toile, 0,66x0,85m. Sébastien Stoskopff. Musée du Louvre.

La vanité est un genre de nature morte très à la mode au XVIIIe siècle, période baroque dans toute l'Europe. Elle prend ses sources dans l'Ancien Testament avec l'Ecclésiaste (Ecclésiaste 1,2) : "Vanitas vanitatum et omnia vanitas". "Vanité des vanités, tout est vanité (...) Une génération s'en va, une génération arrive, et la terre subsiste toujours."

Quelle est cette étrange "nature morte", dans laquelle un sentiment de néant, d'angoisse, de silence mortel, envahit la toile ? Et comment expérimentons nous ces sensations à la vision de ce tableau ? Serait-ce le crâne posé là comme si de rien n'était parmi des livres entassés, crâne qui à l'origine est censé être celui d'Adam, le premier homme. Ce même crâne qu'on retrouve aux pieds du Christ, sur le Mont Golgotha, dans les scènes de crucifixion des peintures de la Renaissance. Il est présent pour faire remarquer que le Christ a souffert pour le rachat des hommes, depuis la fuite du Paradis causée par le pêché originel. Le crâne des vanités nous remémore, suite à ce lointain épisode, que nous sommes tous mortels et tous pêcheurs. Ce crâne est là pour rappeler au spectateur du XVIIIe siècle que, suivant les croyances de l'époque, il s'agit de ne pas céder au vice afin de découvrir le vrai sens de la vie : il est préférable d'emprunter le chemin de la sagesse (la connaissance) plutôt que celui des illusions (le plaisir des sens) car le temps est compté, et l'homme doit gagner son paradis.

En ce qui concerne le vieux cadran solaire à gauche, il semble être devenu inutile dans cette toile figée, dans une atmosphère ténébreuse. Quant à cette dernière, telle une estrade de théâtre, ne nous invite-t-elle pas à venir jouer un rôle dans cette scène ? A faire vivre un instant cette oeuvre inerte que l'on appelle Vanité ? La vie est une pièce de théâtre dont nous sommes les acteurs, dont l'acmé est la prise de conscience de ce que nous sommes et vers quoi nous allons, le dernier acte la connaissance et, la fin ultime, la mort. Cette toile du peintre français Stoskopff présente justement une analogie frappante avec le théâtre de l'époque dit "baroque" qu'il soit shakespearien (britannique) ou calderonien (espagnol). Il conserve néanmoins les éléments essentiels qui composent la vanité : le temps, la mort, la musique, les sens...

Tous les éléments qui composent la vanité sont là pour nous rappeler que la vie est éphémère : le temps, la mort, la musique, les sens. Sens, que l'on retrouve ici d'une certaine façon par la présence des livres : sensuels par le toucher des pages, l'odeur qu'ils prennent au fil des jours, la lecture qui recquiert la vue, ou l'ouïe pour un auditoire. Sensations qui nous trompent sur le moment car elles sont immatérielles, tout comme le temps qui passe (on retrouve les traditionnels cadran solaire et crâne sur la gauche du tableau). Celui qui troque le plaisir des sens contre la sagesse (savoir incarné ici par les livres) comme Hamlet ou Sigismond dans La vie est un songe (héros dramatique de la dite oeuvre de  Calderon de la Barca), laquelle mène à la connaissance, sera finalement sauvé puisque, par Dieu, il gagnera le Paradis.

On retrouve cette représentation du temps qui passe et de la mort dans la gravure de Laurent de la Hyre (1526) reproduite au premier plan. Il s'agit du centaure Marsyas, qui, pour avoir mieux joué qu'Apollon de la fûte fut écorché vif sur l'ordre de ce dernier. Cet épisode de la mythologie relaté par Ovide dans Les Métamorphoses n'a pas été choisi par hasard lorsque l'on sait que cette oeuvre se présente sous la forme d'un calendrier, reflet même du temps qui s'écoule mais revient toujours....

m051202_0005896_1.jpgApollon et Marsyas, Estampe, 1526. Laurent de la Hyre. Musée des Beaux Arts de Nancy.

Il est exactement question du principe calderonien du "théâtre dans le théâtre", dit "autoréférenciation" : il s'agit d'une représentation dans la représentation. La composition même de l'oeuvre est une mise en scène : il y a cette impression d'espace clos où la lumière ne pénètre pas, comme si nous étions face à une boîte. A cela s'ajoute que lorsque nous contemplons le tableau, c'est notre condition humaine que nous voyons.

Mais attention ! Le rideau rouge sur le côté droit, derrière lequel on a découvert à l'exploration radiographique que se dissimulait une Vierge à l'Enfant, va bientôt se refermer sur ce mauvais rêve qu'est la mort. Après tout, "la vie n'est peut-être qu'un songe"... 

Mathilde Gautier.

Mars 2001.

08:51 Écrit par Mathilde Gautier dans Sémiotique et analyse d'images | Commentaires (2) | Tags : vanité, theatre |  Facebook | |  Imprimer | |