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21/11/2011

De l'alliesthésie à la culture...

Hanna Arendt dans son essai sur La crise de la culture dénonce une société du loisir et du divertissement au détriment de la culture, de cette culture qui ne s'acquiert pas sans difficulté mais qui nous mène vers des territoires inconnus de la pensée, contrairement au divertissement. La culture aurait ce pouvoir de nous élever intellectuellement et de nous aider à donner un sens à la vie au sens métaphysique du terme. Pour autant je ne crois pas que la culture telle que nous l’entendons aujourd’hui soit celle dont Hanna Arendt parlait à son époque. La culture telle que nous la vivons aujourd’hui est déjà celle du divertissement. Toujours plus de films, plus de musiques, plus d’expositions, plus de livres comme l’illustre le graphique ci-dessous… on a parfois peine à suivre la productivité culturelle et esthétique. Une telle saturation de l’offre fait souvent perdre l’essentiel dans cette masse entropique. Là aussi nous serions dans une logique "consumériste" (quantité) et non pas de "délectation" (qualité).
 
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Cette offre pléthorique représente dorénavant un marché qui conduit nécessairement au marketing auquel le secteur culturel fait de plus en plus appel afin de capter de manière plus efficace la demande face à une offre toujours plus importante. Toutefois, depuis 2005, cette situation a tendance à évoluer dans un contexte économique de plus en plus difficile, de baisses de subventions et des changements structurels de la société. La production telle qu'elle était envisagée jusqu'alors a donc tendance à régresser. Le marketing est toujours là mais cette fois-ci son utilité est d’aider les professionnels à trouver de nouveaux positionnements sur un marché qui est aujourd'hui à un tournant que ce soit à un niveau économique (baisse des subventions et augmentation des coûts) ou à un niveau de pratiques d'usage (apparition du numérique). L'usage du marketing est donc très différent suivant le contexte et le besoin des personnes. Il peut ainsi être un moyen d'analyser les évolutions actuelles de la société et des individus qui la constituent. Que dit alors le marketing ? Il dit que nos consommations ont tendance à s'orienter davantage vers la qualité que vers la quantité. Pourquoi ce changement soudain alors que nous étions récemment dans une logique de consommation tous azimuts ? En réalité, un changement de production associé à une consommation ralentie par des crises économiques successives conduisent nécessairement les individus à changer leurs rapports aux objets... et à leur consommation. De plus, nos sociétés commencent à manquer de richesses et nous poussent par conséquent à consommer différemment. Ce ne sont donc pas des idéaux humanistes, ni l'éveil à une plus grande spiritualité, ou à des pensées altruistes qui transforment nos sociétés contemporaines. L'hypothèse ainsi avancée est que c'est la rareté des ressources qui nous conduira à penser différemment et non pas l'élaboration d'une nouvelle pensée qui nous conduira à consommer autrement. Pour ceux qui rêvaient d'une révolution intellectuelle, il y a fort à craindre que cela ne soit pas encore pour cette fois-ci. 
M.G.

15:12 Écrit par Mathilde Gautier dans Réflexions transverses | Commentaires (0) | Tags : marketing, culture, consommation |  Facebook | |  Imprimer | |

04/11/2011

Le luxe et le commerce des musées.

Mathilde Gautier.


Selon le philosophe Yves Michaud, « il y a plus que jamais une dynamique du musée, mais on ne sait si c’est celle d’un parc d’attraction, d’une réserve indienne ou d’un magasin de luxe. Il n’est pas du tout à exclure que ce doivent être les trois à la fois » (Michaud, 1999). En effet, parallèlement aux produits dérivés fabriqués à la chaîne, reflet d’une certaine culture de masse, d’autres produits tendent plus vers le luxe que vers le parc d’attraction. Ainsi, si les théoriciens font un lien entre parc d’attraction et musée, nous proposons d’en faire un entre le musée et le luxe : la vente de certains produits dérivés fabriqués sous licence avec des marques de luxe telle que Lalique (les boucles d’oreille de Marie-Antoinette par la RMN) ou encore les foulards Hermès sont le signe de l’introduction du luxe dans l’univers du musée. De même Flammarion est une des maisons membres du comité Colbert. Ces interférences entre la librairie-boutique et les marques de luxe sont de plus en plus courantes au sein du musée. C’est d’ailleurs le cas de l’exposition de Takashi Murakami organisée au Museum of Contemporary Art de Los Angeles en octobre 2007 qui met en scène sur le parcours  des produits de Louis Vuitton que l’on peut ensuite acheter : « Aside from showcasing a complete retrospective of Mukarami’s anime-inspired graphic-art, the exhibition include items from his past collaboration with Louis Vuitton – and a 1 000 square-foot Vuitton mini-boutique ont the museum’s floor. The unprecendented retail space will offer an exclusive line of bags and accessories created for the show (none of the profits from its sales will go to the museum) » (Hagwood, 2007).

Les librairies-boutiques de musée sont aussi proches de l’industrie du luxe, du fait même que certains acteurs recherchent la qualité, la rareté et la marque d’authenticité du produit acheté dans le musée. De plus, « le luxe est un refus du "tout économique" » (Roux, 2003 : 19), tout comme peut l’être le secteur culturel. Une autre analogie possible entre les produits de luxe et le produit vendu dans le musée est leur dimension symbolique ainsi que leurs bénéfices dits « expérientiels », « c'est-à-dire qui impliquent chez le client une recherche d’expériences et d’émotions fortes,  exceptionnelles » (Roux, 2003 : 159).

La voie du luxe a été initiée par la Tate à Londres qui s’inscrit, elle aussi, dans cette logique de « branding », autrement dit d’exploitation de la marque, à l’instar de l’américain Guggenheim, mais dans un cadre national. Cette notion de marque est finalement le cœur même du débat, puisque les musées doivent rivaliser avec le nombre croissant d’activités de loisirs afin de conserver leurs publics : « Comment peuvent-ils se positionner pour attirer les consommateurs de loisirs tout en se distinguant des parcs à thèmes, des galeries de jeux et des autres formes de divertissement ? La marque est un moyen d’y parvenir » (Scott, 2000 : 37). En effet, dans une société qui repose sur la consommation, la promotion d’une marque qui, de surcroît, est apparentée à celle du luxe, est une garantie pour la diffusion de l’image du musée et amplifie son pouvoir d’attraction.

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Marie-Antoinette de Hasbourg-Lorraine, reine de France et ses enfants peint en 1787 par Louise-Elisabeth Vigée-Le-Brun.

Boucles d'oreilles RMN et Lalique © RMN