23/12/2011
"Van Gogh ou le suicidé de la société" - Antonin Artaud.
Il y a quelques années, à la Maison de la Poésie, Van Gogh où le suicidé de la société d'Antonin Artaud fut mis en scène. Je me souviens que ce spectacle m'avait touchée car je découvrais alors un texte d'Antonin Artaud d'une grande détresse. J'avais alors écrit une chronique sur le spectacle que je livre seulement maintenant sans qu'elle n'ait pourtant perdu de son actualité littéraire et artistique.
Auteur du célèbre essai Le Théâtre et son Double, Antonin Artaud écrit à la fin de sa vie un essai sur l’artiste-peintre Van Gogh et son suicide, suicide qui a été, selon lui, provoqué par la société castratrice dans laquelle l’artiste se sentait vivre.
La genèse de Van Gogh le suicidé de la société, c’est la révolte d’Antonin Artaud à la lecture d’un article du docteur Berr croyant pouvoir diagnostiquer chez le peintre une schizophrénie du « type dégénéré ». Antonin Artaud alla voir l’exposition Van Gogh à l’Orangerie et revint écrire le premier jet de Van Gogh le suicidé de la société dont les premiers mots sont « On peut parler de la bonne santé mentale de Van Gogh » … et plus loin « Non, Van Gogh n’était pas fou ».
En réalité, Van Gogh est Artaud et Artaud est Van Gogh. A travers le récit de la folie de Van Gogh, c’est sa propre histoire qu’il relate. En 1937, Artaud est interné d’office en asile psychiatrique à Rodez. Le voici coupé pendant 9 ans du monde. Lorsqu’il sera rendu à la liberté, en 1946, Artaud hurlera, dans des textes où chaque mot n’est plus qu’un bruit, un cri, sa détresse et sa rage : rage contre Dieu, contre le sexe, contre son corps rongé par le cancer, contre la société qu'il dit l'avoir suicidé comme elle avait déjà suicidé Van Gogh. Les deux hommes étaient malades et peut-être fous, mais dotés d’un génie qui dérangeait, selon Artaud, les conventions dictées par la société.
C’est ainsi que, pendant 1h20, on assiste à une performance incroyable de l’acteur Rémi Duhart qui a réussi à donner vie à ces deux personnages et, qui a réussi à traduire simplement une écriture d’approche difficile. A travers la parole de l’acteur c’est celle d’Artaud qui prend vie. Rémi Duhart ne joue pas Artaud, il est Artaud. Il est ce personnage fou et intelligent, attachant par sa détresse qui évoque et décrit les paysages peints de Van Gogh et, à travers ses couleurs, son histoire. La mise en scène de Claude Confortès est très juste : une table à laquelle Artaud écrit son texte en même temps qu’il nous le raconte, des notes de percussions qui font raisonner sa parole et des reproductions de Van Gogh posées sur des chevalets qui donnent vie à l’artiste suicidé. Un portrait de Van Gogh et un autre d’Artaud met en parallèle les deux vies, comme deux miroirs…
Mathilde Gautier, mai 2004.
11:34 Écrit par Mathilde Gautier dans Livres à lire | Commentaires (0) | Tags : artaud, van gogh, mathilde gautier | Facebook | | Imprimer | |